Tourneur Fraiseur
Le gamin de Beaumont-lès-Valence, un patelin de 3 800 âmes de la Drome profonde, a connu une vocation tardive. Il découvre le rugby à 16 ans, en suivant Stéphane Périou, son copain d'enfance du collège Paul-Valéry à Valence. Il se prend au jeu. Il aime les ambiances d'après-match, la camaraderie tant vantée dans les écoles de rugby. A l'époque, il a l'âme baladeuse : il sillonne le département sur sa mobylette. Il adore aussi la mécanique. Il en fait son métier et devient tourneur-fraiseur dans l'usine Salmson, à Crest.
Imaginez un colosse hirsute de 1,92 mètre et 115 kilos qui agite des paluches grosses comme des battoirs et interprète d'une voix caverneuse la comptine pour enfants de Chantai Goya «Ce matin, un lapin a tué un chasseur». Son interprète : Sébastien Chabal; nouvelle star du rugby français. La scène se passe dans l'émission de Laurent Ruquier «On n'est pas couché», au début de l'été. Quelques mois plus tôt l'homme était un illustre inconnu. Depuis, tous les médias se l'arrachent. Ce bambin au look de bûcheron passe difficilement inaperçu. Avec sa barbe et ses cheveux longs, il ressemble à un guerrier tout droit sorti du film «Braveheart». Une sorte de héros médiéval que l'on imagine volontiers en chef de meute pratiquant la soûle, l'ancêtre brutal du rugby. Est- ce son côté «primitif» qui séduit tant Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports qui en a fait sa mascotte ? «C'est mon chouchou», s'emballe-t-elle. Depuis quand «Rosy» a-t-elle le rose aux joues « pour le beau Seb ? Depuis son essai percutant contre l'Angleterre, le 11 août à Twickenham. Entré à la 57e minute, Chabal a fait basculer le match. Et définitivement capté la lumière du public et des médias. Paradoxe : la nouvelle coqueluche des Bleus ne joue pas souvent. Et pourtant, il est déjà en passe de remporter la Coupe du Monde... de la médiatisation.
ATF1, on se frotte les mains. La chaîne retransmet tous les matchs de l'équipe de France. Pour l'audimat, il lui faut des héros. Chabal en est un. Il l'est devenu sur le tard. En juin dernier, lors de la tournée du XV de France en Nouvelle- Zélande. Alors que les hommes de Bernard Laporte se font étriller par les Ail Blacks (42-11 puis 61-10), «Seb» fait la une des journaux locaux sous le titre «The Caveman Cometh». L'homme des cavernes, le retour. Fou : le pays du Long-Nuage blanc voit en lui un nouveau Jonah Lomu, le bulldozer maori. Qu'a-t-il donc fait de si glorieux ? Un magistral tampon sur le rugueux troisième ligne samoan Chris Masoe (106 kilos). Et une charge fracassante sur le deuxième ligne Ali Williams (105 kilos), qui y laissa la mâchoire. Les supporters des Blacks adorent son côté kamikaze, hard man. Un homme de Neandertal parachuté dans un stade. Chabal, avec une telle réputation de déménageur, ne pouvait échapper aux Guignols de l'info. Les marionnettes de Canal+ lui taillent un costume en latex et l'affublent d'un nouveau surnom : Hannibal Lecter.
Et de quelques autres : Cartouche, Attila, Raspoutine, l'Anesthésiste, Sea bass (loup de mer, en anglais). Une notoriété ambiguë qui fait sourire le troisième ligne de Sale Sharks (Angleterre), son équipe depuis 2004. En dehors du terrain, le géant bleu est un homme reserve et . timide, très éloigné de son image de brute épaisse. Le gamin de Beaumont-lès-Valence, un patelin de 3 800 âmes de la Drome profonde, a connu une vocation tardive. Il découvre le rugby à 16 ans, en suivant Stéphane Périou, son copain d'enfance du collège Paul-Valéry à Valence. Il se prend au jeu. Il aime les ambiances d'après-match, la camaraderie tant vantée dans les écoles de rugby. A l'époque, il a l'âme baladeuse : il sillonne le département sur sa mobylette. Il adore aussi la mécanique. Il en fait son métier et devient tourneur-fraiseur dans l'usine Salmson, à Crest. Le rugby n'est alors pour lui qu'un hobby. Il joue dans le club amateur de Beauvallon. En 1998, les sergents recruteurs du Valence sportif le remarquent, puis ceux de Bourgoin-Jallieu. La fusée Chabal est désormais sur orbite. Elle ne s'arrêtera plus. Elle a parfois quelques ratés. Car le «dynamiteur» a de gros passages à vide. Il fait quelques apparitions en équipe de France, puis disparaît dans les méandres du championnat. Trop fragile, le sériai plaqueur ? Sébastien Chabal fonctionne à l'affectif. Il a besoin d'être en confiance. Quand il quitte Bourgoin-Jallieu, il n'est pas en odeur de sainteté auprès des sélectionneurs. Il part à Sale, en Angleterre, et ressuscite. Son nouveau coach, Philippe Saint-André, a compris la «machine Chabal». Il connaît ses lacunes techniques, mais découvre le monstre physique, l'atomiseur de défenses sur le terrain